Inside Israel's torture camp for Gaza detainees - eviltoast

Traduction DeepL :

Les Palestiniens arrĂȘtĂ©s dans le nord de la bande de Gaza dĂ©crivent les sĂ©vices systĂ©matiques infligĂ©s par les soldats israĂ©liens aux civils comme aux combattants, depuis les privations sĂ©vĂšres jusqu’aux violences physiques brutales.


DĂ©but dĂ©cembre, des images ont circulĂ© dans le monde entier montrant des dizaines d’hommes palestiniens dans la ville de Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, qui ont Ă©tĂ© dĂ©shabillĂ©s jusqu’à leurs sous-vĂȘtements, agenouillĂ©s ou assis courbĂ©s, puis ont eu les yeux bandĂ©s et ont Ă©tĂ© placĂ©s Ă  l’arriĂšre de camions de l’armĂ©e israĂ©lienne comme du bĂ©tail. La grande majoritĂ© de ces dĂ©tenus Ă©taient des civils non affiliĂ©s au Hamas, comme l’ont confirmĂ© par la suite les responsables israĂ©liens de la sĂ©curitĂ©, et les hommes ont Ă©tĂ© emmenĂ©s par l’armĂ©e sans que leurs familles soient informĂ©es du lieu oĂč se trouvaient les dĂ©tenus. Certains d’entre eux ne sont jamais revenus.

+972 Magazine et Local Call se sont entretenus avec quatre civils palestiniens qui apparaissent sur ces photos ou qui ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s prĂšs des lieux et emmenĂ©s dans des centres de dĂ©tention militaires israĂ©liens, oĂč ils ont Ă©tĂ© dĂ©tenus pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant d’ĂȘtre relĂąchĂ©s dans la bande de Gaza. Leurs tĂ©moignages - ainsi que 49 tĂ©moignages vidĂ©o publiĂ©s par divers mĂ©dias arabes de Palestiniens arrĂȘtĂ©s dans des circonstances similaires au cours des derniĂšres semaines dans les districts de Zeitoun, Jabalia et Shuja’iya, dans le nord de la bande de Gaza - font Ă©tat d’abus et de tortures systĂ©matiques de la part des soldats israĂ©liens Ă  l’encontre de tous les dĂ©tenus, civils et combattants confondus.

Selon ces tĂ©moignages, les soldats israĂ©liens ont soumis les dĂ©tenus palestiniens Ă  des chocs Ă©lectriques, leur ont brĂ»lĂ© la peau avec des briquets, leur ont crachĂ© dans la bouche et les ont privĂ©s de sommeil, de nourriture et d’accĂšs aux toilettes jusqu’à ce qu’ils dĂ©fĂšquent sur eux-mĂȘmes. Nombre d’entre eux ont Ă©tĂ© attachĂ©s Ă  une clĂŽture pendant des heures, menottĂ©s et ont eu les yeux bandĂ©s pendant la majeure partie de la journĂ©e. Certains ont tĂ©moignĂ© avoir Ă©tĂ© battus sur tout le corps et avoir eu des cigarettes Ă©teintes dans le cou ou le dos. On sait que plusieurs personnes sont mortes des suites de leur dĂ©tention dans ces conditions.

Les Palestiniens avec lesquels nous nous sommes entretenus ont dĂ©clarĂ© que le matin du 7 dĂ©cembre, lorsque les photos de Beit Lahiya ont Ă©tĂ© prises, les soldats israĂ©liens sont entrĂ©s dans le quartier et ont ordonnĂ© Ă  tous les civils de quitter leurs maisons. Ils criaient : “Tous les civils doivent descendre et se rendre”", a dĂ©clarĂ© Ayman Lubad, chercheur juridique au Centre palestinien pour les droits de l’homme, qui a Ă©tĂ© dĂ©tenu ce jour-lĂ  avec son jeune frĂšre, Ă  +972 et Ă  Local Call.

Selon les tĂ©moignages, les soldats ont ordonnĂ© Ă  tous les hommes de se dĂ©shabiller, les ont rassemblĂ©s en un seul endroit et ont pris les photos qui ont ensuite Ă©tĂ© diffusĂ©es sur les mĂ©dias sociaux (de hauts responsables israĂ©liens ont depuis rĂ©primandĂ© les soldats pour avoir partagĂ© les images). Les femmes et les enfants, quant Ă  eux, ont reçu l’ordre de se rendre Ă  l’hĂŽpital Kamal Adwan.

Quatre tĂ©moins diffĂ©rents ont dĂ©clarĂ© sĂ©parĂ©ment Ă  +972 et Ă  Local Call que, alors qu’ils Ă©taient assis menottĂ©s dans la rue, les soldats sont entrĂ©s dans les maisons du quartier et y ont mis le feu ; +972 et Local Call ont obtenu des photos de l’une des maisons incendiĂ©es. Les soldats ont dit aux dĂ©tenus qu’ils avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s parce qu’ils “n’avaient pas Ă©vacuĂ© vers le sud de la bande de Gaza”.

Un nombre indĂ©terminĂ© de civils palestiniens restent dans la partie nord de la bande de Gaza malgrĂ© les ordres d’expulsion israĂ©liens depuis le dĂ©but de la guerre, qui a conduit des centaines de milliers de personnes Ă  fuir vers le sud. Les personnes Ă  qui nous avons parlĂ© ont citĂ© plusieurs raisons pour lesquelles elles ne sont pas parties : la peur d’ĂȘtre bombardĂ©es par l’armĂ©e israĂ©lienne pendant le trajet vers le sud ou pendant qu’elles s’y abritent ; la peur que des agents du Hamas leur tirent dessus ; les difficultĂ©s de mobilitĂ© ou les handicaps des membres de la famille ; et l’incertitude de la vie dans les camps de personnes dĂ©placĂ©es dans le sud. La femme de Lubad, par exemple, venait d’accoucher et ils craignaient les dangers de quitter leur maison avec un nouveau-nĂ©.

Dans une vidĂ©o filmĂ©e sur les lieux Ă  Beit Lahiya, un soldat israĂ©lien tenant un mĂ©gaphone se tient devant les rĂ©sidents dĂ©tenus - qui sont assis en rangs, nus et Ă  genoux, les mains derriĂšre la tĂȘte - et dĂ©clare : "L’armĂ©e israĂ©lienne est arrivĂ©e : “L’armĂ©e israĂ©lienne est arrivĂ©e. Nous avons dĂ©truit Gaza [la ville] et Jabalia sur vos tĂȘtes. Nous avons occupĂ© Jabalia. Nous occupons tout Gaza. C’est ce que vous voulez ? Voulez-vous le Hamas avec vous ?” Les Palestiniens rĂ©pliquent en criant qu’ils sont des civils.

“Notre maison a brĂ»lĂ© sous mes yeux”, a dĂ©clarĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call Maher, Ă©tudiant Ă  l’universitĂ© Al-Azhar de Gaza, qui apparaĂźt sur une photo de dĂ©tenus Ă  Beit Lahiya (il a demandĂ© Ă  utiliser un pseudonyme de peur que l’armĂ©e israĂ©lienne n’exerce des reprĂ©sailles contre les membres de sa famille, qui sont toujours dĂ©tenus dans un centre de dĂ©tention militaire). Des tĂ©moins oculaires ont dĂ©clarĂ© que le feu s’est propagĂ© de maniĂšre incontrĂŽlĂ©e, que la rue s’est remplie de fumĂ©e et que les soldats ont dĂ» dĂ©placer les Palestiniens ligotĂ©s Ă  quelques dizaines de mĂštres des flammes.

J’ai dit au soldat : “Ma maison a brĂ»lĂ©, pourquoi faites-vous cela ? Il m’a rĂ©pondu : “Oubliez cette maison””, se souvient Nidal, un autre Palestinien qui figure Ă©galement sur une photographie prise Ă  Beit Lahiya et qui a demandĂ© Ă  utiliser un pseudonyme pour les mĂȘmes raisons.

Il m’a demandĂ© oĂč j’avais mal, puis il m’a frappĂ© fort.

Plus de 660 Palestiniens de Gaza sont actuellement dĂ©tenus dans des prisons israĂ©liennes, pour la plupart dans la prison de Ketziot, dans le dĂ©sert du Naqab/Negev. Un nombre supplĂ©mentaire, que l’armĂ©e refuse de rĂ©vĂ©ler mais qui pourrait s’élever Ă  plusieurs milliers, est dĂ©tenu Ă  la base militaire de Sde Teyman, prĂšs de Be’er Sheva, oĂč se dĂ©rouleraient la plupart des mauvais traitements infligĂ©s aux dĂ©tenus.

Selon les tĂ©moignages, les dĂ©tenus palestiniens de Beit Lahiya ont Ă©tĂ© embarquĂ©s dans des camions et emmenĂ©s sur une plage. Ils sont restĂ©s ligotĂ©s pendant des heures, et une autre photo d’eux a Ă©tĂ© prise et diffusĂ©e sur les mĂ©dias sociaux. Lubad a racontĂ© comment l’une des femmes soldats israĂ©liennes a demandĂ© Ă  plusieurs dĂ©tenus de danser et les a ensuite filmĂ©s.

Les dĂ©tenus, toujours en sous-vĂȘtements, ont ensuite Ă©tĂ© emmenĂ©s sur une autre plage Ă  l’intĂ©rieur d’IsraĂ«l, prĂšs de la base militaire de Zikim, oĂč, selon leurs tĂ©moignages, les soldats les ont interrogĂ©s et sĂ©vĂšrement battus. Selon les mĂ©dias, ce sont des membres de l’unitĂ© 504 des FDI, un corps de renseignement militaire, qui ont procĂ©dĂ© Ă  ces premiers interrogatoires.

Maher a racontĂ© son expĂ©rience Ă  +972 et Local Call : Un soldat m’a demandĂ© : “Quel est ton nom ?” et a commencĂ© Ă  me donner des coups de poing dans l’estomac et des coups de pied. Il m’a dit : “Tu es dans le Hamas depuis deux ans, dis-moi comment ils t’ont recrutĂ©â€. Je lui ai dit que j’étais Ă©tudiant. Deux soldats m’ont ouvert les jambes et m’ont donnĂ© un coup de poing Ă  cet endroit et un autre au visage. J’ai commencĂ© Ă  tousser et je me suis rendu compte que je ne respirais plus. Je leur ai dit : ‘Je suis un civil, je suis un civil’. “Je me souviens d’avoir tendu la main vers le bas de mon corps et d’avoir senti quelque chose de lourd”, a poursuivi M. Maher. "Je n’ai pas rĂ©alisĂ© que c’était ma jambe. J’ai arrĂȘtĂ© de sentir mon corps.

J’ai dit au soldat que j’avais mal, il s’est arrĂȘtĂ© et m’a demandĂ© oĂč ; je lui ai dit dans l’estomac, et alors il m’a frappĂ© fort dans l’estomac. Ils m’ont dit de me lever. Je ne sentais plus mes jambes et je ne pouvais plus marcher. Chaque fois que je tombais, ils me frappaient Ă  nouveau. J’ai saignĂ© de la bouche et du nez et je me suis Ă©vanoui.

Les soldats ont interrogĂ© certains dĂ©tenus de la mĂȘme maniĂšre, les ont photographiĂ©s, ont vĂ©rifiĂ© leurs cartes d’identitĂ©, puis les ont divisĂ©s en deux groupes. La plupart, dont Maher et le jeune frĂšre de Lubad, ont Ă©tĂ© renvoyĂ©s Ă  Gaza et ont rejoint leur domicile le soir mĂȘme. Lubad lui-mĂȘme faisait partie d’un deuxiĂšme groupe d’environ 100 personnes dĂ©tenues Ă  Beit Lahiya ce jour-lĂ  et qui ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es dans un centre de dĂ©tention militaire Ă  l’intĂ©rieur d’IsraĂ«l.

Il est donc probable qu’ils aient Ă©tĂ© dĂ©tenus Ă  la base de Sde Teyman, Ă  cĂŽtĂ© de Be’er Sheva, qui comprend un aĂ©rodrome. Selon l’armĂ©e israĂ©lienne, c’est lĂ  que les dĂ©tenus de Gaza sont gardĂ©s pour ĂȘtre traitĂ©s, c’est-Ă -dire pour qu’il soit dĂ©cidĂ© s’ils doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des civils ou des “combattants illĂ©gaux”.

Selon le bureau du porte-parole de l’armĂ©e israĂ©lienne, les centres de dĂ©tention militaire ne sont destinĂ©s qu’à l’interrogatoire et au contrĂŽle initial des dĂ©tenus, avant qu’ils ne soient transfĂ©rĂ©s Ă  l’administration pĂ©nitentiaire israĂ©lienne ou jusqu’à leur libĂ©ration. Les tĂ©moignages des Palestiniens qui ont Ă©tĂ© dĂ©tenus dans ces installations brossent cependant un tableau tout Ă  fait diffĂ©rent.

Nous avons été torturés toute la journée

À l’intĂ©rieur de la base militaire, les Palestiniens Ă©taient dĂ©tenus par groupes d’environ 100 personnes. Selon les tĂ©moignages, ils Ă©taient menottĂ©s et avaient les yeux bandĂ©s tout le temps, et n’étaient autorisĂ©s Ă  se reposer qu’entre minuit et 5 heures du matin.

L’un des dĂ©tenus de chaque groupe, choisi par les soldats parce qu’il connaissait l’hĂ©breu et qu’il portait le titre de “Shawish” (terme argotique dĂ©signant un serviteur ou un subordonnĂ©), Ă©tait le seul Ă  ne pas avoir les yeux bandĂ©s. Les anciens dĂ©tenus ont expliquĂ© que les soldats qui les gardaient avaient des lampes de poche Ă  laser vert qu’ils utilisaient pour marquer toute personne qui bougeait, changeait de position Ă  cause de la douleur ou Ă©mettait un son. Les Shawish amenaient ces dĂ©tenus aux soldats qui se tenaient de l’autre cĂŽtĂ© de la clĂŽture de barbelĂ©s entourant l’installation, oĂč ils Ă©taient punis.

Selon les tĂ©moignages, la punition la plus courante consistait Ă  ĂȘtre attachĂ© Ă  une clĂŽture et Ă  devoir lever les bras pendant plusieurs heures. Celui qui les baissait Ă©tait emmenĂ© par les soldats et battu.

“Nous avons Ă©tĂ© torturĂ©s toute la journĂ©e”, a dĂ©clarĂ© Nidal Ă  +972 et Ă  Local Call. "Nous nous sommes agenouillĂ©s, la tĂȘte baissĂ©e. Ceux qui n’y parvenaient pas Ă©taient attachĂ©s Ă  la clĂŽture, [pendant] deux ou trois heures, jusqu’à ce que le soldat dĂ©cide de les libĂ©rer. J’ai Ă©tĂ© attachĂ© pendant une demi-heure. Tout mon corps Ă©tait couvert de sueur, mes mains Ă©taient engourdies.

“Vous ne pouvez pas bouger”, rappelle Lubad Ă  propos des rĂšgles. Si vous bougez, le soldat pointe un laser sur vous et dit au Shawish : “Sortez-le, levez les mains.” Si vous baissez les mains, le Shawish vous emmĂšne Ă  l’extĂ©rieur et les soldats vous battent. Si vous baissez les mains, le Shawish vous emmĂšne dehors et les soldats vous frappent. J’ai Ă©tĂ© attachĂ© deux fois Ă  la clĂŽture. Et j’ai gardĂ© les mains en l’air parce qu’il y avait des gens autour de moi qui Ă©taient vraiment blessĂ©s. Une personne est revenue avec une jambe cassĂ©e. Vous entendez les coups et les cris de l’autre cĂŽtĂ© de la clĂŽture. Vous avez peur de regarder ou de jeter un coup d’Ɠil Ă  travers le bandeau. S’ils te voient regarder, c’est une punition. Ils te sortent de lĂ  ou t’attachent Ă  la clĂŽture".

Un autre jeune homme libĂ©rĂ© a dĂ©clarĂ© aux mĂ©dias, aprĂšs son retour Ă  Gaza, que "les gens Ă©taient torturĂ©s en permanence. Nous entendions des cris. Ils [les soldats] nous ont dit : "Pourquoi ĂȘtes-vous restĂ©s Ă  Gaza, pourquoi n’ĂȘtes-vous pas allĂ©s dans le sud ? Je leur ai rĂ©pondu : “Pourquoi irions-nous dans le sud ? Nos maisons sont toujours lĂ  et nous ne sommes pas liĂ©s au Hamas”. Ils nous ont dit : “Descendez au sud - vous avez cĂ©lĂ©brĂ© [l’attaque menĂ©e par le Hamas] le 7 octobre”.

Dans un cas, raconte Lubad, un dĂ©tenu qui refusait de s’agenouiller et qui baissait les mains au lieu de les garder levĂ©es a Ă©tĂ© emmenĂ© derriĂšre la clĂŽture de fils barbelĂ©s, les mains menottĂ©es. Les dĂ©tenus ont entendu des coups, puis ils ont entendu le dĂ©tenu maudire un soldat, et enfin un coup de feu. Ils ne savent pas si le dĂ©tenu a rĂ©ellement Ă©tĂ© abattu, ni s’il est vivant ou mort ; en tout Ă©tat de cause, il n’est pas revenu pendant le reste de la pĂ©riode de dĂ©tention des personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus.

Lors d’entretiens avec des mĂ©dias arabes, d’anciens dĂ©tenus ont dĂ©clarĂ© que d’autres dĂ©tenus du centre Ă©taient morts Ă  cĂŽtĂ© d’eux. “Des gens sont morts Ă  l’intĂ©rieur. L’un d’entre eux souffrait d’une maladie cardiaque. Ils l’ont jetĂ© dehors, ils ne voulaient pas s’occuper de lui”, a dĂ©clarĂ© une personne Ă  Al Jazeera.

Plusieurs dĂ©tenus qui se trouvaient avec Lubad lui ont Ă©galement parlĂ© d’un tel dĂ©cĂšs. Ils ont dĂ©clarĂ© qu’avant son arrivĂ©e, un homme ĂągĂ© du camp de rĂ©fugiĂ©s d’Al-Shati, qui Ă©tait malade, Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© dans l’établissement en raison des conditions de dĂ©tention. Les dĂ©tenus ont dĂ©cidĂ© d’entamer une grĂšve de la faim pour protester contre sa mort et ont rendu aux soldats les morceaux de fromage et de pain qui leur avaient Ă©tĂ© rationnĂ©s. Les dĂ©tenus ont racontĂ© Ă  Lubad que la nuit, les soldats entraient et les battaient sĂ©vĂšrement alors qu’ils Ă©taient menottĂ©s, puis leur lançaient des bombes lacrymogĂšnes. Les dĂ©tenus ont cessĂ© de faire grĂšve.

L’armĂ©e israĂ©lienne a confirmĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call que des dĂ©tenus de Gaza Ă©taient morts dans l’établissement. “Il y a des cas connus de dĂ©cĂšs de dĂ©tenus dans le centre de dĂ©tention”, a dĂ©clarĂ© le porte-parole de l’IDF. “ConformĂ©ment aux procĂ©dures, chaque dĂ©cĂšs d’un dĂ©tenu fait l’objet d’un examen, y compris en ce qui concerne les circonstances du dĂ©cĂšs. Les corps des dĂ©tenus sont conservĂ©s conformĂ©ment aux ordres militaires”.

Dans des tĂ©moignages vidĂ©o, des Palestiniens qui ont Ă©tĂ© relĂąchĂ©s Ă  Gaza dĂ©crivent des cas oĂč les soldats ont Ă©teint des cigarettes sur le corps des dĂ©tenus et leur ont mĂȘme administrĂ© des chocs Ă©lectriques. “J’ai Ă©tĂ© dĂ©tenu pendant 18 jours”, a dĂ©clarĂ© un jeune homme Ă  Al Jazeera. “Le soldat vous voit vous endormir, prend un briquet et vous brĂ»le le dos. Ils ont Ă©teint des cigarettes sur mon dos Ă  plusieurs reprises. L’un des gars [qui avait les yeux bandĂ©s] a dit [au soldat] : ‘Je veux boire de l’eau’, et le soldat lui a dit d’ouvrir la bouche et a crachĂ© dedans”.

Un autre dĂ©tenu a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© torturĂ© pendant cinq ou six jours. “'Tu veux aller aux toilettes ? Interdit”, a-t-il racontĂ©. “[Le soldat] vous bat. Et je ne suis pas du Hamas, qu’est-ce qu’on peut me reprocher ? Mais il continue Ă  vous dire : Vous ĂȘtes du Hamas, tous ceux qui restent Ă  Gaza sont du Hamas. Si vous n’étiez pas du Hamas, vous seriez allĂ© au sud. Nous vous avons dit d’aller au sud”.

Shadi al-Adawiya, un autre dĂ©tenu qui a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©, a dĂ©clarĂ© Ă  TRT dans un tĂ©moignage filmĂ© : “Ils nous mettent des cigarettes dans le cou, les mains et le dos. Ils nous donnent des coups de pied dans les mains et la tĂȘte. Et il y a des chocs Ă©lectriques”.

“On ne peut rien demander”, a dĂ©clarĂ© Ă  Al Jazeera un autre dĂ©tenu libĂ©rĂ© aprĂšs son arrivĂ©e Ă  l’hĂŽpital de Rafah. Si vous dites “Je veux boire”, ils vous frappent sur tout le corps. Il n’y a pas de diffĂ©rence entre les jeunes et les vieux. J’ai 62 ans. Ils m’ont frappĂ© dans les cĂŽtes et depuis, j’ai du mal Ă  respirer.

J’ai essayĂ© d’enlever le bandeau et un soldat m’a donnĂ© un coup de genou dans le front.

Les Palestiniens dĂ©tenus par IsraĂ«l Ă  Gaza, qu’il s’agisse de militants ou de civils, le sont en vertu de la “loi sur les combattants illĂ©gaux” de 2002. Cette loi israĂ©lienne permet Ă  l’État de dĂ©tenir des combattants ennemis sans leur accorder le statut de prisonnier de guerre, et de les dĂ©tenir pendant de longues pĂ©riodes sans procĂ©dure judiciaire normale. IsraĂ«l peut empĂȘcher les dĂ©tenus de rencontrer un avocat et reporter le contrĂŽle judiciaire jusqu’à 75 jours - ou, si un juge l’approuve, jusqu’à six mois.

AprĂšs le dĂ©clenchement de la guerre actuelle en octobre, cette loi a Ă©tĂ© modifiĂ©e : selon la version approuvĂ©e par la Knesset le 18 dĂ©cembre, IsraĂ«l peut Ă©galement dĂ©tenir ces personnes jusqu’à 45 jours sans Ă©mettre d’ordre de dĂ©tention - une disposition qui a des ramifications importantes.

“Ils n’existent pas pendant 45 jours”, a dĂ©clarĂ© Tal Steiner, directeur exĂ©cutif du ComitĂ© public contre la torture en IsraĂ«l, Ă  +972 et Ă  Local Call. "Leurs familles ne sont pas informĂ©es. Pendant cette pĂ©riode, des personnes peuvent mourir sans que personne ne le sache. [Il faut prouver que tout s’est passĂ©. Beaucoup de gens peuvent tout simplement disparaĂźtre.

L’ONG israĂ©lienne de dĂ©fense des droits de l’homme HaMoked a reçu des appels d’habitants de Gaza concernant 254 Palestiniens dĂ©tenus par l’armĂ©e israĂ©lienne et dont les proches n’ont aucune idĂ©e de l’endroit oĂč ils se trouvent. HaMoked a dĂ©posĂ© une requĂȘte auprĂšs de la Haute Cour d’IsraĂ«l Ă  la fin du mois de dĂ©cembre, exigeant que l’armĂ©e publie des informations sur les rĂ©sidents de Gaza qu’elle dĂ©tient.

Une source de l’administration pĂ©nitentiaire israĂ©lienne a dĂ©clarĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call que la plupart des dĂ©tenus de Gaza sont dĂ©tenus par l’armĂ©e et n’ont pas Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s dans des prisons. Il est probable que l’armĂ©e israĂ©lienne tente d’obtenir des renseignements sur des civils tout en utilisant la loi sur les combattants illĂ©gaux pour les emprisonner.

Les dĂ©tenus qui ont parlĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call ont dĂ©clarĂ© qu’ils Ă©taient dĂ©tenus dans l’installation militaire avec des personnes qu’ils savaient ĂȘtre des membres du Hamas ou du Jihad islamique. Selon les tĂ©moignages, les soldats israĂ©liens ne font pas de diffĂ©rence entre les civils et les membres de ces groupes et traitent tout le monde de la mĂȘme maniĂšre. Certaines des personnes arrĂȘtĂ©es dans le mĂȘme groupe Ă  Beit Lahiya il y a prĂšs d’un mois n’ont pas encore Ă©tĂ© libĂ©rĂ©es.

Nidal a dĂ©crit comment, en plus des violences subies par les dĂ©tenus, les conditions de dĂ©tention Ă©taient extrĂȘmement dures. “Les toilettes sont une mince ouverture entre deux morceaux de bois”, a-t-il dĂ©clarĂ©. “Ils nous y ont mis les mains attachĂ©es et les yeux bandĂ©s. Nous entrions et faisions pipi sur nos vĂȘtements. Et c’est lĂ  que nous buvions de l’eau”.

Les civils qui ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s de la base militaire israĂ©lienne ont dĂ©clarĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call que quelques jours plus tard, ils ont Ă©tĂ© emmenĂ©s d’une installation Ă  l’autre pour ĂȘtre interrogĂ©s. La plupart d’entre eux ont dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© battus pendant les interrogatoires. On leur a demandĂ© s’ils connaissaient des agents du Hamas ou du Jihad islamique, ce qu’ils pensaient de ce qui s’était passĂ© le 7 octobre, lequel des membres de leur famille Ă©tait un agent du Hamas, qui Ă©tait entrĂ© en IsraĂ«l le 7 octobre et pourquoi ils n’avaient pas Ă©vacuĂ© le sud comme on le leur avait “demandĂ©â€.

Trois jours plus tard, Lubad a Ă©tĂ© emmenĂ© Ă  JĂ©rusalem pour y ĂȘtre interrogĂ©. “L’interrogateur m’a donnĂ© un coup de poing au visage et, Ă  la fin, ils m’ont emmenĂ© dehors et m’ont bandĂ© les yeux”, a-t-il dĂ©clarĂ©. "J’ai essayĂ© d’enlever le bandeau, parce qu’il me faisait mal, et un soldat m’a donnĂ© un coup de genou dans le front, alors je l’ai laissĂ©.

“Une demi-heure plus tard, ils ont amenĂ© un autre dĂ©tenu, un professeur d’universitĂ©â€, a poursuivi Lubad. “Apparemment, il n’a pas coopĂ©rĂ© avec eux pendant l’interrogatoire. Ils l’ont battu trĂšs brutalement Ă  cĂŽtĂ© de moi. Ils lui ont dit : 'Vous dĂ©fendez le Hamas, vous ne rĂ©pondez pas aux questions. Mettez-vous Ă  genoux, levez les mains. J’ai senti deux personnes venir vers moi. J’ai pensĂ© que c’était mon tour d’ĂȘtre battu et j’ai contractĂ© mon corps pour me prĂ©parer. Quelqu’un m’a chuchotĂ© Ă  l’oreille : “Dis chien”. J’ai dit que je ne comprenais pas. Il m’a dit : ‘Dis, le jour viendra pour chaque chien’”, sous-entendant la mort ou le chĂątiment.

Lubad a ensuite Ă©tĂ© relĂąchĂ© dans la cellule de dĂ©tention. Selon lui, les conditions Ă  JĂ©rusalem Ă©taient meilleures que dans l’établissement du sud. Pour la premiĂšre fois, il n’était pas menottĂ© et n’avait pas les yeux bandĂ©s. “J’avais tellement mal et j’étais si fatiguĂ© que je me suis endormi, et c’est tout”, a-t-il dĂ©clarĂ©.

Nous avons été traités comme des poulets ou des moutons

Le 14 dĂ©cembre, une semaine aprĂšs avoir Ă©tĂ© enlevĂ© de sa maison Ă  Beit Lahiya, laissant derriĂšre lui sa femme et ses trois enfants, Lubad a Ă©tĂ© mis dans un bus pour retourner au point de passage de Kerem Shalom, entre IsraĂ«l et la bande de Gaza. Il a dĂ©nombrĂ© 14 bus, contenant environ 500 dĂ©tenus. Lui et un autre tĂ©moin ont dĂ©clarĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call que les soldats leur ont dit de courir et que “quiconque regarde en arriĂšre, nous lui tirerons dessus”.

De Kerem Shalom, les dĂ©tenus ont marchĂ© jusqu’à Rafah, une ville qui s’est transformĂ©e en un gigantesque camp de rĂ©fugiĂ©s ces derniĂšres semaines, abritant des centaines de milliers de Palestiniens dĂ©placĂ©s. Les dĂ©tenus libĂ©rĂ©s portaient des pyjamas gris, et certains ont montrĂ© aux journalistes palestiniens des blessures aux poignets, au dos et aux Ă©paules, apparemment dues aux violences subies en dĂ©tention. Ils portaient des bracelets numĂ©rotĂ©s qui leur avaient Ă©tĂ© remis Ă  leur arrivĂ©e au centre de dĂ©tention.

Les dĂ©tenus ont dĂ©clarĂ© aux journalistes qu’ils ne savaient pas oĂč aller Ă  Rafah ni oĂč se trouvaient leurs familles. Nombre d’entre eux Ă©taient pieds nus. “J’ai eu les yeux bandĂ©s pendant 17 jours”, a dĂ©clarĂ© l’un d’entre eux. “Nous avons Ă©tĂ© traitĂ©s comme des poulets ou des moutons”, a dĂ©clarĂ© un autre.

L’un des dĂ©tenus arrivĂ©s Ă  Rafah a dĂ©clarĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call que depuis qu’il a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© il y a deux semaines, il vit dans une tente en nylon. “Aujourd’hui mĂȘme, j’ai achetĂ© des chaussures”, a-t-il dĂ©clarĂ©. “À Rafah, oĂč que vous regardiez, vous voyez des tentes. Depuis ma libĂ©ration, c’est trĂšs difficile pour moi sur le plan mental. Un million de personnes s’entassent ici dans une ville de 200 000 habitants [avant la guerre]”.

Lorsque Lubad est arrivĂ© Ă  Rafah, il a immĂ©diatement appelĂ© sa femme. Il Ă©tait heureux d’apprendre qu’elle et ses enfants Ă©taient en vie. “En prison, je n’arrĂȘtais pas de penser Ă  eux, Ă  ma femme qui se trouvait dans une situation difficile, seule avec notre nouveau-nĂ©â€, explique-t-il.

Mais au tĂ©lĂ©phone, il avait l’impression que sa famille ne lui disait rien. Finalement, Lubad a dĂ©couvert qu’une heure aprĂšs que son jeune frĂšre soit revenu de sa dĂ©tention Ă  Zikim Beach, il a Ă©tĂ© tuĂ© par un obus israĂ©lien qui a frappĂ© la maison d’un voisin.

Se souvenant de la derniĂšre fois qu’il a vu son frĂšre, Lubad a dĂ©clarĂ© : "J’ai vu comment nous Ă©tions assis lĂ , dans un coin de la maison : “J’ai vu que nous Ă©tions assis lĂ  en caleçon et qu’il faisait terriblement froid, et je lui ai chuchotĂ© : ‘C’est bon, c’est bon, tu reviendras sain et sauf’”.

Pendant sa dĂ©tention, la femme de Lubad a dit Ă  leurs enfants qu’il avait voyagĂ© Ă  l’étranger ; Lubad n’est pas sĂ»r qu’ils l’aient cru. Son fils de trois ans l’a vu se dĂ©shabiller dans la rue ce jour-lĂ . “Mon fils voulait vraiment aller au zoo, mais il n’y a plus de zoo Ă  Gaza. Je lui ai donc dit qu’au cours de mon voyage, j’avais vu un renard Ă  JĂ©rusalem - et en effet, lorsque j’ai Ă©tĂ© interrogĂ©, le matin, des renards passaient par lĂ . Je lui ai promis qu’une fois que tout serait terminĂ©, je l’emmĂšnerais les voir aussi”.

En rĂ©ponse aux affirmations faites dans cet article selon lesquelles des soldats israĂ©liens ont brĂ»lĂ© les maisons de Palestiniens dĂ©tenus Ă  Beit Lahiya, le porte-parole des FDI a dĂ©clarĂ© que ces allĂ©gations “seront examinĂ©es”, ajoutant que “des documents appartenant au Hamas ont Ă©tĂ© trouvĂ©s dans les appartements de l’immeuble, ainsi qu’une grande quantitĂ© d’armes”, et que des coups de feu ont Ă©tĂ© tirĂ©s sur les forces israĂ©liennes Ă  partir de l’immeuble.

Le porte-parole de l’IDF a dĂ©clarĂ© que les Palestiniens de Gaza Ă©taient dĂ©tenus “pour implication dans des activitĂ©s terroristes” et que “les dĂ©tenus dont il a Ă©tĂ© Ă©tabli qu’ils n’étaient pas impliquĂ©s dans des activitĂ©s terroristes et dont le maintien en dĂ©tention n’est pas justifiĂ© sont renvoyĂ©s dans la bande de Gaza Ă  la premiĂšre occasion”.

En ce qui concerne les allĂ©gations de mauvais traitements et de torture, le porte-parole de l’IDF a dĂ©clarĂ© que “toute allĂ©gation de comportement inappropriĂ© dans le centre de dĂ©tention fait l’objet d’une enquĂȘte approfondie. Les dĂ©tenus sont menottĂ©s en fonction de leur niveau de risque et de leur Ă©tat de santĂ©, selon une Ă©valuation quotidienne. Une fois par jour, le centre de dĂ©tention militaire organise une visite mĂ©dicale pour vĂ©rifier l’état de santĂ© des dĂ©tenus qui le nĂ©cessitent”.

Les dĂ©tenus qui ont parlĂ© Ă  +972 et Ă  Local Call ont cependant dĂ©clarĂ© qu’ils n’avaient Ă©tĂ© examinĂ©s par un mĂ©decin qu’à leur arrivĂ©e dans le centre, et qu’ils n’avaient reçu aucun traitement mĂ©dical par la suite malgrĂ© leurs demandes rĂ©pĂ©tĂ©es.