La CorĂ©e du Nord envoie Ă  Poutine des tonnes de munitions. L'Europe ne peut pas faire la mĂȘme chose pour l'Ukraine - eviltoast

Dans la course Ă  l’armement de ses alliĂ©s, la CorĂ©e du Nord a battu l’UE Ă  un million d’obus d’artillerie.

Bien qu’ils se soient engagĂ©s Ă  soutenir l’Ukraine avec un million de cartouches d’ici un an pour l’aider Ă  repousser l’invasion russe, les fabricants d’armes de l’UE sont loin d’avoir le type de production nĂ©cessaire pour atteindre cet objectif d’ici mars.

“Je suis Ă©galement trĂšs inquiet au sujet de la production de munitions”, a dĂ©clarĂ© le Premier ministre estonien Kaja Kallas, qui a Ă©tĂ© le premier Ă  proposer cet objectif, en marge du sommet des dirigeants europĂ©ens de la semaine derniĂšre. “La promesse que nous avons faite Ă  l’Ukraine de livrer 1 million de obus d’artillerie
 est dĂ©passĂ©e.”

Pendant ce temps, la CorĂ©e du Nord expĂ©die de grandes quantitĂ©s de munitions vers la Russie ; un dĂ©putĂ© sud-corĂ©en estime que Pyongyang a dĂ©jĂ  envoyĂ© un million d’obus. Le Service national de renseignement sud-corĂ©en a dĂ©clarĂ© mercredi aux lĂ©gislateurs lors d’un audit parlementaire Ă  huis clos que la CorĂ©e du Nord avait effectuĂ© au moins 10 transferts d’armes vers la Russie depuis aoĂ»t. L’UE a condamnĂ© vendredi les informations faisant Ă©tat d’envois de produits de la CorĂ©e du Nord vers la Russie.

“La CorĂ©e du Nord gĂšre une Ă©conomie de guerre, ce que nous n’avons pas”, a dĂ©clarĂ© Trevor Taylor du Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI) Ă  Londres. “Mais la question de savoir si les munitions qu’ils fournissent rĂ©pondent aux normes de fiabilitĂ© et de sĂ©curitĂ© auxquelles les EuropĂ©ens adhĂ©reraient est une autre question.”

La Commission europĂ©enne a livrĂ© 223 800 obus d’artillerie Ă  l’Ukraine depuis le 31 mai dans le cadre d’un programme de remboursement destinĂ© aux pays ayant acceptĂ© d’expĂ©dier leurs stocks Ă  Kiev.

Le ministre lituanien des Affaires Ă©trangĂšres, Gabrielius Landsbergis, tweetĂ© que les livraisons en provenance des pays de l’UE s’élĂšvent Ă  environ 300 000 unitĂ©s. a rĂ©cemment

La montĂ©e en puissance visant Ă  accroĂźtre considĂ©rablement l’offre se fait trĂšs lentement.

Le mois dernier, le ministre français des ArmĂ©es, SĂ©bastien Lecornu, a dĂ©clarĂ© que la France serait en mesure d’envoyer, Ă  partir de 2024, quelque 3 000 cartouches critiques de 155 millimĂštres Ă  Kiev chaque mois – contre 1 000 actuellement – ​​grĂące Ă  l’augmentation de la production des sous-traitants de la dĂ©fense comme Nexter et Eurenco.

Mais cela ne représenterait toujours que 36 000 cartouches par an en provenance de France.

Un tableau officiel de l’aide militaire allemande Ă  l’Ukraine dresse Ă©galement un tableau sombre : 27 500 obus de 155 mm prĂ©vus ou en cours d’exĂ©cution pour livraison, et moins de 19 000 obus explosifs de 155 mm ainsi qu’une quantitĂ© non spĂ©cifiĂ©e (mais presque certainement nettement infĂ©rieure) d’obus Ă  guidage de prĂ©cision de 155 mm. munitions dĂ©jĂ  livrĂ©es – juste une fraction de ce dont l’Ukraine a besoin chaque mois.

“L’objectif d’un million de cartouches reste un objectif politique important”, a dĂ©clarĂ© Peter Stano, porte-parole de la Commission, ajoutant que les ministres auraient l’occasion de revenir sur cet objectif lors d’une rĂ©union Ă  Bruxelles le 14 novembre. La Commission europĂ©enne a livrĂ© 223 800 obus d’artillerie Ă  l’Ukraine depuis le 31 mai | Anatoli Stepanov/AFP via Getty Images

Un signe prometteur est que sept pays de l’UE ont commandĂ© des munitions dans le cadre du nouveau programme d’achats conjoints accĂ©lĂ©rĂ©s de l’Agence europĂ©enne de dĂ©fense (AED).

« L’industrie vous dira toujours que ce n’est jamais assez, mais l’argent arrive », a dĂ©clarĂ© Lucie BĂ©raud-Sudreau de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm. « Nous sommes toujours confrontĂ©s au problĂšme du dĂ©calage temporel. Les gouvernements doivent Ă©tablir des budgets, puis il reste encore un an avant que les contrats ne soient signĂ©s.» L’Ukraine s’en prend Ă  la Russie

MalgrĂ© le retard des livraisons, l’Ukraine a pour la premiĂšre fois devancĂ© la Russie en termes de nombre d’obus tirĂ©s par jour.

Au dĂ©but de l’invasion, l’armĂ©e de Moscou tirait 63 000 obus par jour sur les forces ukrainiennes, contre seulement 4 000 dans l’autre sens. Mais depuis octobre, la situation s’est inversĂ©e, l’Ukraine en lançant 9 000 par jour contre 7 000 pour la Russie, ont indiquĂ© les forces armĂ©es ukrainiennes.

Les livraisons nord-coréennes pourraient aider Moscou à reprendre le dessus, augmentant ainsi sa prodigieuse production.

“Les Russes occupent toujours la premiĂšre place mondiale pour la production d’obus par mois – 125 000”, a dĂ©clarĂ© Petro Chernyk, un analyste militaire ukrainien, ajoutant que les États-Unis n’atteindront que 80 000 par mois d’ici 2025.

Les alliĂ©s de l’Ukraine tentent d’ajouter une nouvelle production. Le ministre ukrainien des Industries stratĂ©giques, Oleksandr Kamyshin, a admis dans une interview avec POLITICO que l’exploitation de toutes les capacitĂ©s mondiales existantes ne serait « pas suffisante » pour approvisionner les forces de Kiev en munitions.

Le gĂ©ant allemand de la dĂ©fense Rheinmetall a rachetĂ© en aoĂ»t Expal Systems, un fabricant espagnol de munitions et d’armement. L’achat visait Ă  augmenter la production de munitions de Rheinmetall, en particulier d’obus de mortier, d’artillerie et de propulseurs.

En octobre, l’entreprise a annoncĂ© deux commandes de munitions d’artillerie : une portant sur des « dizaines de milliers » d’obus de 155 mm destinĂ©s Ă  l’Ukraine, une autre portant sur plus de 150 000 obus d’artillerie de 155 mm, fabriquĂ©s par Expal. Les techniciens de l’entreprise d’armement allemande et Ă©quipementier automobile Rheinmetall travaillent sur des munitions de 155 mm qui seront livrĂ©es aux forces ukrainiennes | Axel Heimken/AFP via Getty Images

Mais selon Rheinmetall, seulement quelques dizaines de milliers d’entre eux arriveront en Ukraine d’ici la fin de l’annĂ©e, le reste Ă©tant prĂ©vu pour l’annĂ©e prochaine.

L’Ukraine a Ă©galement signĂ© un accord avec la sociĂ©tĂ© polonaise PGZ pour fabriquer des obus de 125 mm pour chars en Pologne.

En réponse, Kiev cherche à produire davantage de munitions dans son pays.

En septembre, l’Office fĂ©dĂ©ral allemand des cartels a donnĂ© son feu vert Ă  une coentreprise entre Rheinmetall et l’industrie de dĂ©fense ukrainienne.

L’une des raisons pour lesquelles l’objectif d’un million de cartouches est si loin d’ĂȘtre atteint est que les pays de l’UE – sur l’insistance du commissaire au marchĂ© intĂ©rieur Thierry Breton, l’Allemagne et la France – n’accepteraient pas d’inclure les munitions produites en dehors de l’UE.

S’ils ne peuvent pas accĂ©der aux usines hors UE, les dirigeants de la dĂ©fense affirment qu’ils ont besoin de contrats Ă  long terme pour justifier leurs investissements dans de nouvelles lignes de fabrication. Combattre les vieilles guerres

L’incapacitĂ© Ă  rĂ©pondre Ă  la guerre en Ukraine par une augmentation rapide de la production est due en partie Ă  une architecture de sĂ©curitĂ© remontant Ă  la guerre froide.

Les planificateurs militaires occidentaux imaginaient qu’une guerre avec l’URSS ne durerait que quelques semaines avant le dĂ©ploiement des armes nuclĂ©aires, ce qui signifiait qu’il ne fallait pas s’attendre Ă  un type de travail prolongĂ©, semblable Ă  celui de la PremiĂšre Guerre mondiale, que l’on voit aujourd’hui en Ukraine.

Lorsque les puissances occidentales sont entrĂ©es en guerre, elles ont Ă©galement menĂ© des conflits trĂšs diffĂ©rents de ceux qui se dĂ©roulent actuellement en Ukraine. L’action militaire du Royaume-Uni en Irlande du Nord, les interventions françaises en Afrique de l’Ouest ou les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak soutenues par les États-Unis ne ressemblent guĂšre Ă  la guerre russo-ukrainienne, qui fait appel Ă  l’artillerie lourde. L’action militaire du Royaume-Uni en Irlande du Nord, les interventions françaises en Afrique de l’Ouest ou les invasions de l’Afghanistan et de l’Irak soutenues par les États-Unis ne ressemblent guĂšre Ă  la guerre russo-ukrainienne Ă  l’artillerie lourde | Anatoli Stepanov/AFP via Getty Images

Avec la pression Ă  la baisse sur les dĂ©penses de dĂ©fense qui prĂ©vaut dans les membres europĂ©ens de l’OTAN et les ministĂšres prudents quant aux coĂ»ts associĂ©s au maintien d’entrepĂŽts remplis d’obus qui doivent ĂȘtre rĂ©guliĂšrement remplacĂ©s, les dĂ©penses en munitions ont chutĂ©, a dĂ©clarĂ© Taylor du RUSI.

Pire encore, de nombreuses armĂ©es occidentales utilisent des systĂšmes d’armes diffĂ©rents, ce qui augmente les coĂ»ts. Le programme d’achat conjoint de l’EDA s’applique Ă  quatre plates-formes de tir de 155 mm : le Caesar français, le Krab polonais, le Panzerhaubitze 2000 allemand et le Zuzana slovaque.

Le chef du comitĂ© militaire de l’OTAN, l’amiral nĂ©erlandais Rob Bauer, souhaite que les pays consolident leur technologie, dĂ©clarant Ă  Reuters que le coĂ»t de fabrication d’un simple obus d’artillerie est passĂ© de 2 000 euros avant l’attaque russe contre l’Ukraine Ă  8 000 euros aujourd’hui, alors que la demande explose.

Bauer a dĂ©clarĂ© qu’il existe au moins 14 types diffĂ©rents de munitions de 155 mm et qu’à mesure que les pays augmentent leurs dĂ©penses de dĂ©fense, il est logique de normaliser leur conception.

Tout cela s’ajoute aux maux de tĂȘte posĂ©s par la formation du personnel, le financement de nouvelles usines et les formalitĂ©s administratives.

« Il y a trop de gens, peut-ĂȘtre au sein des gouvernements, voire des ministĂšres de la DĂ©fense, qui pensent qu’il est possible d’augmenter la production d’armes comme on peut augmenter la production de bicyclettes », a dĂ©clarĂ© Taylor. “Ce n’est tout simplement pas le cas.”