La banalisation du mal : Ă  qui profitent les attaques agressives contre les familles des otages ? - eviltoast

IsraĂ«l est en train de sombrer dans le fascisme. La traduction de l’article ci-dessous :

Voici quelques-unes des choses que les familles des otages entendent chaque jour dans la rue et de la part des politiciens : “C’est bien qu’ils aient tuĂ© vos enfants”, “J’espĂšre que vous et votre fille mourrez Ă  Gaza”, “Vous dĂ©truisez le pays”. Shomrim examine dix mois d’israĂ©lisme toxique, son impact sur un accord et qui cela sert politiquement. Un rapport spĂ©cial en ces jours cruciaux pour la vie des otages.

La stigmatisation des familles des otages comme ennemies du peuple n’est pas nouvelle. DĂšs novembre, Shomrim avait largement couvert les premiĂšres gouttes qui sont depuis devenues une attaque gĂ©nĂ©ralisĂ©e.

En effet, lorsqu’on leur demande quand les insultes et les crachats Ă  leur encontre ont commencĂ©, les familles remontent aux premiers jours aprĂšs le massacre du 7 octobre, lorsque Avichai Brodetz de Kfar Aza a installĂ© une chaise devant le Kirya (quartier gĂ©nĂ©ral de l’armĂ©e) et a entraĂźnĂ© d’autres familles d’otages avec lui. Avec eux sont arrivĂ©s les cris de mĂ©pris, les bousculades et les insultes.

Eli Albag, le pĂšre de Liri l’observatrice qui a Ă©tĂ© enlevĂ©e, a Ă©tĂ© attaquĂ© par un homme Ă  scooter qui lui a dit : “Vous ĂȘtes des traĂźtres de gauche, un danger pour IsraĂ«l. J’espĂšre que vous et votre fille mourrez Ă  Gaza”. À l’époque, l’agresseur avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et le public choquĂ©, aujourd’hui de tels incidents sont monnaie courante sur les rĂ©seaux sociaux et dans la rue.

Il y a seulement trois mois, Gadi Kedem, dont la fille, le gendre et leurs trois enfants ont Ă©tĂ© assassinĂ©s le 7 octobre, a Ă©tĂ© transportĂ© Ă  l’hĂŽpital aprĂšs avoir Ă©tĂ© attaquĂ© par deux militants de droite qui ont criĂ© Ă  sa femme Rauma : “TraĂźtres, c’est bien qu’ils aient tuĂ© vos enfants. Gauchiste, traĂźtresse, pute”. Le mĂȘme soir, selon des informations, Avi Marciano, le pĂšre de Noa, une observatrice assassinĂ©e en captivitĂ©, aurait Ă©galement Ă©tĂ© attaquĂ©.

Ce sont des cas extrĂȘmes, mais comme le souligne tristement le journaliste Jackie Levy, dont la femme Noam Dan est une parente de la famille Dan-Calderon de Nir Oz : “Vous ne trouverez pas un membre de la famille d’un otage qui s’est tenu dans la rue avec une photo de son proche et qui n’a pas reçu des insultes qui lui ont ĂŽtĂ© l’envie de vivre. On nous a dit que nous ne voulions pas vraiment que les otages soient libĂ©rĂ©s, et que nous utilisions cette terrible tragĂ©die pour rĂ©aliser des dĂ©sirs politiques”.

Les injures ont également atteint les otages libérés.

Adina Moshe a racontĂ© en pleurant comment “nous nous tenions au carrefour, juste les otages qui Ă©taient rentrĂ©s, et un conducteur nous a fait un doigt d’honneur en disant ‘Salopes, dommage qu’on vous ait libĂ©rĂ©es’”. Yagil Yaakov, 13 ans, a racontĂ© cette semaine sur Instagram les rĂ©actions qu’il a reçues sur les rĂ©seaux sociaux comme “Pourquoi es-tu revenu” et “J’espĂšre que tu as Ă©tĂ© tuĂ© Ă  Gaza avec tous les autres enfants”.

Au-delĂ  de la cruautĂ© et de l’insensibilitĂ© criminelle envers les victimes de cette terrible catastrophe, ceux qui s’opposent aux familles qui demandent le retour de leurs proches voient apparemment en elles un obstacle Ă  la “victoire totale” - ce slogan creux que mĂȘme le ministre de la DĂ©fense Gallant a qualifiĂ© de “balivernes”. L’examen des dĂ©clarations faites Ă  l’encontre des familles des otages au fil du temps rĂ©vĂšle une observation intĂ©ressante.

Au fur et Ă  mesure que les mois passaient, les attaques ont cessĂ© d’ĂȘtre uniquement des phĂ©nomĂšnes marginaux somnambules de l’extrĂȘme droite. MĂȘme des membres de la coalition, qui n’avaient pas fait preuve de beaucoup de sensibilitĂ© envers les familles des otages auparavant, ont commencĂ© Ă  s’en prendre Ă  elles, ou comme le dit la conseillĂšre en communication Tami Shinkman qui accompagne certaines des familles, “ils ont commencĂ© Ă  manifester une indiffĂ©rence gouvernementale envers des valeurs comme la solidaritĂ© et la responsabilitĂ© mutuelle”.

Que s’est-il passĂ© pour que ces membres de la coalition changent d’attitude et manifestent de l’aliĂ©nation envers des familles brisĂ©es qui dĂ©pendent de leurs dĂ©cisions ? Pourquoi Netanyahu s’est-il permis de dire en juillet lors d’une rĂ©union du cabinet que “les otages souffrent, mais ils ne meurent pas”, sachant que non seulement ce n’était pas vrai factuellement, mais aussi qu’une dĂ©claration aussi provocatrice pouvait fuiter ? Et pourquoi sa femme s’est-elle permise, selon un rapport de N12, de dire Ă  une dĂ©putĂ©e de l’opposition “Tu as vu combien d’otages nous avons libĂ©rĂ©s et ils ne nous ont mĂȘme pas dit merci ?” (Netanyahu a niĂ© avoir dit cela).

L’étalage des cas suggĂšre qu’il ne s’agit pas d’une coĂŻncidence.

Le groupe parlementaire du Likoud, Ă  ce jour, interdit aux familles des otages de prĂ©senter leur cas devant lui, comme le permettent d’autres groupes Ă  la Knesset. La dĂ©putĂ©e Tali Gottlieb (Likoud) a lancĂ© Ă  Einav Tzangauker, la mĂšre de Matan qui a Ă©tĂ© enlevĂ© Ă  Gaza, que “votre protestation dĂ©truit le pays”, le garde du corps du ministre Amichai Chikli (Likoud) a arrachĂ© des rubans jaunes qui avaient Ă©tĂ© accrochĂ©s prĂšs de sa maison. Et le prĂ©sident de la Knesset Amir Ohana (Likoud) a interdit Ă  Danny Elgart, dont le frĂšre Itzik est otage, d’entrer Ă  la Knesset “par crainte de troubles Ă  l’ordre public”. Cela aprĂšs qu’Elgart ait fait irruption la veille dans la commission des lois contre un membre de la famille d’un autre otage, qui avait dĂ©clarĂ© que “l’accord est irresponsable et ne doit pas passer”. Elgart a dit au prĂ©sident de la commission, le dĂ©putĂ© Simcha Rotman : “Vous avez amenĂ© du renfort de la maison”, et celui-ci a rĂ©pondu : “Chez nous, on n’interrompt pas les familles des otages”, et a demandĂ© Ă  faire sortir Elgart, qui s’est barricadĂ© dans la piĂšce et a Ă©tĂ© expulsĂ© de force par les huissiers.

Lors d’une autre discussion, Rotman a fait sortir Ayala Metzger (la belle-fille de Yoram qui a Ă©tĂ© tuĂ© en captivitĂ©), qui Ă©tait en colĂšre contre la mainmise du reprĂ©sentant du Forum Tikva, Zvika Mor dont le fils Eitan est otage, sur le temps allouĂ© aux familles du quartier gĂ©nĂ©ral. Mor a consacrĂ© le temps Ă  expliquer pourquoi selon le livre des Nombres il est interdit d’accepter un accord sur les otages.

Ce mĂȘme Rotman, d’ailleurs, a expliquĂ© dans une interview Ă  Kan qu’il n’avait pas vu les photos des observatrices en captivitĂ© du Hamas Ă  Gaza, car “il n’avait pas le temps” et qu’il en avait assez vu au camp Shura. Le prĂ©sident de son parti, le ministre Bezalel Smotrich, a refusĂ© de regarder la vidĂ©o des observatrices et a dit Ă  ses collĂšgues, selon un rapport de YNET, “Vous ne voulez vraiment pas bien dormir la nuit ?”. Une dĂ©claration qui est en forte concurrence avec la colĂšre suscitĂ©e par ses propos en commission des finances lorsqu’il a expliquĂ© aux familles qu’il ne pourrait pas soutenir un accord, car c’est comme “si Sinwar demandait que nous lui livrions vingt habitants de la zone frontaliĂšre pour chaque otage vivant afin qu’il puisse les tuer
 Nous ne nous suiciderons pas collectivement”.

Ce n’est pas seulement chez Rotman que cela se produit. Si au dĂ©but de leur parcours Ă  la Knesset, les familles des otages, y compris les plus Ă©motionnelles, Ă©taient traitĂ©es avec respect lorsqu’elles venaient rappeler leur douleur au dĂ©but des discussions des commissions, ces jours sont rĂ©volus.

Le prĂ©sident de la commission des requĂȘtes publiques, Yitzhak Pindrus (JudaĂŻsme unifiĂ© de la Torah), a dit Ă  Esther Buchshtab, la mĂšre de Yagev (alors qu’on ne savait pas encore qu’il Ă©tait mort en captivitĂ©) “Allez, il y a ici des familles endeuillĂ©es (contrairement Ă  elle Ă  l’époque), vous voulez faire de la politique, renverser Bibi ? Ce n’est pas la chaĂźne 2 ici”.

Le dĂ©putĂ© Nissim Vaturi (Likoud) a poussĂ© des membres de familles qui l’ont approchĂ© dans les couloirs de la Knesset au sujet de son opposition Ă  l’accord, tandis que son assistante essayait d’arracher le tĂ©lĂ©phone portable d’un membre de la famille qui filmait le dialogue. Et mĂȘme Tzachi Hanegbi, membre du Likoud et nommĂ© par Netanyahu Ă  son poste de prĂ©sident du Conseil de sĂ©curitĂ© nationale, s’est permis de se moquer des filles de familles d’otages. “Bon, alors allez-y, insultez-moi”, a-t-il dit Ă  l’une d’entre elles fin mai. Et aprĂšs qu’elle soit sortie de la piĂšce en pleurant, il a dit Ă  une autre participante qui s’est levĂ©e en colĂšre : “Vous allez aussi faire un drame et claquer la porte derriĂšre vous ?”.

L’étalement de ces cas suggĂšre qu’il ne s’agit pas d’une coĂŻncidence. Le groupe parlementaire du Likoud, Ă  ce jour, interdit aux familles des otages de prĂ©senter leur cas devant lui, comme le permettent d’autres groupes Ă  la Knesset. Une grande partie des personnes mentionnĂ©es ici n’ont jamais Ă©tĂ© Ă©tatiques, mais cette collection de cas montre qu’elles se permettent davantage. Ont-elles compris que ces affrontements leur profitent face Ă  un Ă©lectorat de base que la guerre pousse de plus en plus Ă  droite ? Le porte-parole du Likoud Levy a dit dans cette conversation enregistrĂ©e que “il est sous-entendu que les familles des otages sont contre lui, et alors il y a une rĂ©action de son public”.

De ces paroles, on peut aussi comprendre que les attaques contre les familles des otages ont un but politique - créer une identification avec Netanyahu.

Ce n’est pas pour rien que plusieurs membres des familles ont dit Ă  Shomrim qu’“il y a d’autres ministres qui ont exprimĂ© leur volontĂ© de soutenir un accord, mais ils ne le dĂ©clarent pas, car ils ne veulent pas s’attirer des ennuis politiques avec leur public, jusqu’au moment oĂč ils seront vraiment obligĂ©s”.

“Ce public”, dit un homme de la pĂ©riphĂ©rie qui connaĂźt bien la base du Likoud dans sa ville, “s’attend Ă  ce qu’ils ne s’identifient Ă  rien de ce qui est liĂ© Ă  Kaplan”.

Quel est le rapport ? Nous ne sommes plus dans les manifestations contre le coup d’État judiciaire.

“C’est incroyable que vous n’ayez toujours pas compris Ă  quel point tout est liĂ© Ă  Kaplan”, soupire-t-il. “Vous ne comprenez vraiment pas quel poids les gens de la base donnent Ă  ce qui se passe lĂ -bas, peu importe que ce soit le pont Begin, le carrefour Kaplan ou la place des Otages. C’est la mĂȘme chose pour eux. Vous ne rĂ©alisez pas quel dĂ©goĂ»t ils ont des blocages de routes et comment les manifestations des familles rendent les gens fous”.

Pourquoi cela les Ă©nerve-t-il autant ?

“Ils y voient une tentative d’arrĂȘter la guerre et de faire tomber Bibi. Ils ne sont pas prĂȘts Ă  arrĂȘter la guerre et remplacer Bibi ne leur semble pas nĂ©cessaire pour le moment, et il se trouve que mĂȘme ceux qui Ă©taient en colĂšre contre Bibi aprĂšs le 7 octobre et le considĂ©raient mĂȘme comme responsable, dĂ©cident quand mĂȘme de voter pour lui Ă  cause de Kaplan”.

Donc du point de vue de Netanyahu, c’est bien pour lui que ces manifestations aient lieu et c’est bien pour lui que les familles soient en colùre contre lui et manifestent dans la zone.

“Bien sĂ»r. Les gens qui Ă©taient en colĂšre parce qu’il est devenu de gauche, parce qu’il ne promet pas de vengeance comme Ben Gvir, reviennent vers lui juste pour faire le contraire”.

Alors ils font le contraire aux otages ?

“L’argument est que ce n’est plus une protestation pour la libĂ©ration des otages, mais une protestation de Kaplan qui a Ă©tĂ© imposĂ©e aux familles, et dans tous les cas ils prĂ©fĂ©reront finir le travail Ă  Gaza plutĂŽt que de ramener les otages. Pas parce qu’ils sont de mauvaises personnes, mais parce que c’est l’ordre de prioritĂ© correct de leur point de vue, qui sert le bien commun”.

Netanyahu, selon les estimations de conseillers politiques et autres, tente de restaurer sa position politique en dĂ©tournant la discussion du massacre du 7 octobre vers les objectifs de la “victoire totale”.

“Dans un pays oĂč un Ă©vĂ©nement chasse l’autre, le temps rend la normalisation presque possible”, dit Shinkman, “les otages ne sont plus le premier sujet du journal tĂ©lĂ©visĂ©, ils sont mentionnĂ©s en troisiĂšme ou quatriĂšme position et parfois pas du tout. Et comme les familles insistent pour rappeler leur existence, la bataille porte sur le contexte, oĂč les intĂ©rĂȘts du gouvernement et des familles sont gĂ©nĂ©ralement totalement opposĂ©s”.

Jackie Levy ajoute : "Toute discussion sur les otages rappelle la partie pogromiste de l’échec du 7 octobre, et quand vous dĂ©cidez de ne pas dĂ©missionner et de ne pas prendre vos responsabilitĂ©s, vous avez besoin que le discours autour de vous ne rappelle pas cette catastrophe, et donc l’expression ‘familles des otages’ fait partie de la campagne. Les otages n’ont pas Ă©tĂ© enlevĂ©s Ă  cet État. Ils ont Ă©tĂ© enlevĂ©s Ă  leurs familles. Ce qu’on appelle ‘taf lek’, parfois les familles ont des problĂšmes, et il faut faire la distinction entre les familles et l’État.

"Il y a eu ici une privatisation de la terreur et du deuil. Comme nous le disent les gens qui nous diffament le plus, ‘si c’était mon frĂšre, je brĂ»lerais le pays, mais un État doit prendre des dĂ©cisions responsables’.

Comme si ce n’était pas la responsabilitĂ© de l’État de ramener des citoyens enlevĂ©s de chez eux, et que nous seuls essayions d’introduire du dĂ©couragement dans un monde de dĂ©cisions soi-disant matures et rationnelles".

La compagne de Levy, Noam Dan, est la cousine de Hadas Calderon dont les enfants ont Ă©tĂ© enlevĂ©s et sont revenus dans un accord, et son ex-compagnon et pĂšre de ses enfants, Ofer Calderon, est toujours otage Ă  Gaza. “Jusqu’à aujourd’hui, nous repoussons les affirmations selon lesquelles elle est une cousine trop Ă©loignĂ©e pour s’en soucier”, dit Levy, “cette poursuite du degrĂ© exact de parentĂ© avec une personne est devenue une obsession chez les opposants Ă  l’accord”.

Les membres de la famille au premier degrĂ© des otages s’effondrent parfois mentalement, laissant l’action au deuxiĂšme cercle, donc cet argument vise Ă  vous neutraliser.

“C’est vrai. J’ai suggĂ©rĂ© Ă  ces gens d’aller aux cĂ©rĂ©monies de Yom HaShoah, de passer parmi les gens et de vĂ©rifier leur degrĂ© de parentĂ© avec les victimes, peut-ĂȘtre qu’eux aussi profitent de l’occasion. Personne ne crie son Ăąme pour la libĂ©ration des otages parce que c’est amusant. Ce sont des gens qui n’arrivent pas Ă  respirer depuis des mois. Certains se sentent coupables d’ĂȘtre en vie et que leurs enfants soient en vie, alors que leur cousine grimpe aux murs d’inquiĂ©tude pour son pĂšre restĂ© Ă  Gaza”.

Qu’est-ce qui vous irrite d’autre dans le discours ?

"L’expression ‘accord irresponsable’ que Ben Gvir rĂ©pĂšte Ă  propos de tout accord possible, y compris l’accord qui a libĂ©rĂ© la plupart des enfants. Il nous habitue Ă  ce qu’on ne puisse pas dire le mot accord sans y ajouter l’adjectif irresponsable. Comme si ce qui est irresponsable c’est l’accord et pas notre sĂ©curitĂ© personnelle. Malheureusement, cette implantation de conscience est efficace.

“Aussi toutes ces fuites, des choses qui ont Ă©tĂ© dites et niĂ©es ou dont on a prĂ©tendu ensuite qu’elles avaient Ă©tĂ© sorties de leur contexte, viennent pour minimiser la douleur et dire qu’en gros ce n’est pas un problĂšme de tout IsraĂ«l, mais de la gauche parce que ce sont des mĂ©crĂ©ants qui ont soutenu le dĂ©sengagement. Et puis il y a un problĂšme avec Nova, qui comprenait une coupe transversale de toute la sociĂ©tĂ© israĂ©lienne. Yinon Magal a rĂ©solu cela avec la statue de Bouddha trouvĂ©e Ă  la fĂȘte, comme s’ils y faisaient un culte paĂŻen. Il y a ici des versions trĂšs sophistiquĂ©es et cyniques de diviser pour rĂ©gner”.

DĂšs le dĂ©part, vous n’étiez pas un bloc uniforme, ce qui facilite l’enfoncement d’un coin entre vous.

"Étant donnĂ© que des gens sĂ©rieux se sont adressĂ©s aux familles et les ont averties que ‘si vous dites un mot de critique contre la coalition, cela pourrait se retourner contre vous’, je ne peux pas reprocher Ă  ceux qui se forcent Ă  ĂȘtre gentils et Ă  ne faire entendre que des messages d’apaisement et de solidaritĂ©. Je n’ai non plus aucune critique envers ceux qui ont rejoint l’avion du Premier ministre (lors de sa visite aux États-Unis le mois dernier).

Tout le monde ici est suspendu entre la vie et la mort. Les gens ici n’ont pas dormi une seule nuit correctement depuis trop longtemps. Ils ont abandonnĂ© leurs vies et font de leur mieux, selon leur jugement. Ceux qui ne vont pas bien sont ceux qui ont essayĂ© de mĂ©langer l’esprit des familles religieuses, qui sont dĂ©jĂ  compliquĂ©es avec le fait que leurs enfants Ă©taient Ă  une fĂȘte le samedi, et les ont mises en garde contre l’autorisation. Ça a fait son effet. Hamas, Bibi n’a pas rĂ©ussi Ă  le faire tomber, le quartier gĂ©nĂ©ral des familles, il a rĂ©ussi et rĂ©ussi".

Maintenant les gens se permettent encore plus envers les familles.

"De plus en plus de commentateurs de droite se permettent de traiter les familles des otages comme des personnes dangereuses et incitantes. Ils ont affirmĂ© que lorsque nous disons ‘Netanyahu a abandonnĂ© les otages’, c’est une incitation qui relĂšve de la police et non de la protestation publique. Ils Ă©crivent aussi que la police est trop douce avec nous. Douce ? Ma femme est rentrĂ©e Ă  la maison couverte de bleus, plus d’une fois.

Noam et moi avons Ă©galement dĂ©posĂ© une plainte en diffamation contre une personne qui a Ă©crit sur nous sur Facebook ‘J’espĂšre que des actions beaucoup plus dĂ©cisives seront prises contre les collaborateurs du Hamas Ă  part entiĂšre comme Jackie et sa compagne. Des ordures gauchistes abominables’. Pourquoi ? Qu’avons-nous fait ? À part rappeler une honte que certains veulent oublier".

“Nous au quartier gĂ©nĂ©ral ne sommes pas intĂ©ressĂ©s par le changement de gouvernement”

Le mĂ©lange avec Kaplan qui revient encore et encore vient du fait qu’une partie plus militante parmi les familles parle le samedi soir depuis le pont Ayalon, Ă  deux minutes du carrefour Kaplan oĂč se tient la manifestation hebdomadaire pour renverser le gouvernement. Le quartier gĂ©nĂ©ral des familles reste sur la place des Otages qui se trouve prĂšs du musĂ©e de Tel Aviv, Ă  environ dix minutes Ă  pied de ces deux points focaux. Pour qui ne connaĂźt pas, tout a l’air pareil. Et mĂȘme ceux qui connaissent glissent facilement entre les trois endroits.

Udi Goren, le cousin de Tal Haimi, qui a Ă©tĂ© assassinĂ© le 7 octobre et dont le corps est dĂ©tenu Ă  Gaza, dit Ă  Shomrim : “Nous essayons de maintenir une sĂ©paration entre les points focaux, car les orateurs et les messages sont diffĂ©rents. Nous au quartier gĂ©nĂ©ral ne sommes pas intĂ©ressĂ©s par le changement de gouvernement, c’est le gouvernement actuel et c’est avec lui que nous travaillons. Nous n’avons pas le temps de nous occuper d’autre chose”.

Peut-ĂȘtre aurait-il Ă©tĂ© juste de changer de jour ou d’éloigner l’emplacement ?

“Ce n’est pas simple, car l’emplacement est devenu iconique. Je suis d’accord qu’il y a un chevauchement entre les publics, et il sera difficile de faire sortir les gens de chez eux deux fois par semaine, surtout ceux qui ne vivent pas Ă  proximitĂ©â€.

Gil Dickmann, le cousin de l’otage Carmel Gat, estime que cela n’aurait probablement rien changĂ©. “DĂšs que nous avons commencĂ© Ă  faire pression pour obtenir un accord, les spins ont commencĂ© Ă  nous prĂ©senter comme des ‘familles Kaplan’, dans le but de saper notre lĂ©gitimitĂ© et de nous prĂ©senter comme ceux qui empĂȘchent Tsahal de gagner. Comme si le bien des otages allait Ă  l’encontre du bien de l’État, et ne le complĂ©tait pas”.

OĂč cette opposition se manifeste-t-elle aujourd’hui sur le terrain ?

“Dans une organisation qui accroche des photos de soldats tombĂ©s et de victimes de Nova Ă  travers le pays, similaire Ă  ce que nous faisons. La campagne appelle Ă  ne pas renoncer pour eux jusqu’à la victoire, et nous prĂ©sente comme des familles ingrates, contrairement Ă  ce sacrifice des morts et de leurs familles. Ils enlĂšvent nos affiches, et marquent de maniĂšre flagrante l’équation des morts contre les otages, comme s’il fallait choisir”.

Comme si les morts dans leur mort nous ordonnaient d’aller jusqu’au bout.

“Et nous, reprĂ©sentants des otages, â€˜Ă©missaires du Hamas, qui imposent la capitulation Ă  l’État’. MĂȘme ceux d’entre nous qui ont veillĂ© Ă  rester Ă©tatiques ont subi un assassinat de caractĂšre, comme si nous vendions l’État. On nous attribue l’expression ‘à tout prix’, bien que nous ne l’ayons jamais dite”.

L’appel “maintenant”, c’est comme dire à tout prix, non ?

“Non. Chaque accord a un prix. L’accord que nous pourrons obtenir maintenant est Ă  un prix que le systĂšme de dĂ©fense dit pouvoir supporter. Par le mot maintenant, on veut dire, avant que ce ne soit plus cher et trop tard”.

Il existe une crainte que la libĂ©ration de prisonniers de sĂ©curitĂ© en Ă©change d’otages puisse poser les bases du prochain 7 octobre.

“Rotman m’a dit que les otages qui n’ont pas encore Ă©tĂ© enlevĂ©s sont aussi rĂ©els que les otages actuels. Ce n’est pas vrai, et la façon d’empĂȘcher les futurs enlĂšvements est de renforcer la sĂ©curitĂ© Ă  la frontiĂšre. Au lieu de cela, l’État se dĂ©charge de sa responsabilitĂ© et la jette sur les gens qu’il a abandonnĂ©s”.

Shirael Lalom Nahir de la ChaĂźne 14 a exigĂ© des familles des otages qu’elles financent la protection des familles qui pourraient ĂȘtre blessĂ©es par la libĂ©ration des prisonniers de l’accord de novembre (elle a tweetĂ© puis effacĂ©).

“Le rĂŽle de l’État est de veiller Ă  la sĂ©curitĂ© des rĂ©sidents. Les familles d’Avera Mengistu et Hisham Sayed ont entendu pendant des annĂ©es l’argument ‘nous ne les ramenons pas, car cela ne vaut pas le risque sĂ©curitaire’. Et voilĂ , on ne les a pas ramenĂ©s et on a aussi enlevĂ© et tuĂ© d’autres personnes. C’est justement leur retour qui augmentera le sentiment de sĂ©curitĂ© des citoyens dans le pays, ils verront qu’il prend soin d’eux”.

Il y a un public qui est pour vous, mais aprÚs dix mois, il préfÚre simplement oublier ?

"AprĂšs que les trois otages Yotam Haim, Alon Shamriz et Samer Talalka aient rĂ©ussi Ă  s’échapper et aient Ă©tĂ© abattus par Tsahal en dĂ©cembre, nous pensions que la terre allait brĂ»ler. Cela ne s’est pas produit, car les gens prĂ©fĂ©raient dĂ©jĂ  refouler Ă  ce moment-lĂ . L’attitude du public envers la mort d’otages en captivitĂ© s’est normalisĂ©e, il y a eu une banalisation de la vie humaine et des expĂ©riences humaines, les otages sont devenus des pions de nĂ©gociation que chacun pense s’il convient ou non de sauver, comme s’il s’agissait d’un jeu.

Les gens disent ‘Bon, de toute façon ils sont tous morts lĂ -bas’ ou ‘Avec ce qu’ils ont vĂ©cu lĂ -bas, ça ne vaut pas la peine de les sauver’, ce qui est vraiment le comble. Vous avez aussi attendu longtemps et donc ils ont Ă©tĂ© assassinĂ©s ou maltraitĂ©s et maintenant vous vous plaignez que ça ne vaut pas la peine ?

“Le nombre d’otages n’est pas aussi petit qu’il y paraĂźt. Il y a plus d’otages vivants que d’otages dont nous savons qu’ils ne sont pas en vie. C’est juste que nous ne pouvons pas toujours dire ce que nous savons. Et mĂȘme si les gens ne reviennent pas comme ils Ă©taient avant, ce sont quand mĂȘme des vies qui valent la peine d’ĂȘtre sauvĂ©es”.